Moriyama s'excite

Pas trouvé de topic adapté, alors j'en ouvre un. À la fin de la troisième main du tour sud (qui commence à 1:14, j'ai mis le code temporel dans le lien parce que je suis sympa), Moriyama se réjouit un peu trop fort d'un agari qui avec un oya mangan lui permet de bien serrer le score : https://www.youtube.com/watch?v=c2-k0rbCuzg#t=4440

Il déborde bien d'énergie, deux fois, quoiqu'il y en a bien une de plus excitée que l'autre.

En passant, puisque nous savons maintenant que Horiuchi a décidé de quitter la JPML avant la fin de sa suspension... qu'est-ce c'est exactement le "shamisen" et quels types de "débordements émotifs" sont permis ou non... Je suis sûr que la bande d'osamuko se poserait bien la question aussi.

Je pense que cette question de shamisen est un des cas où la hiérarchisation de la société japonaise joue un rôle, senpai & co ^^
Parce que franchement Moriyama est relativement habitué des défausses "sèches". Bon après je dois reconnaître que sur un tsumo il y a plus masse d'intimidation en jeu.

que signifie "agari"?

Jûna²ban a écrit:

que signifie "agari"?

agari = victoire

Spécifiquement, gagner une main. Gagner la partie, c'est autre chose. D'où les termes tsumo-agari (gagner sur la pioche) et ron-agari (gagner sur l'écart).

Un annonceur peut dire "agarimashita" (verbe agaru au passé) pour quelqu'un venant de gagner, mais c'est très rare qu'un joueur le dirait comme déclaration (même sans obligation écrite de dire ron ou tsumo). Pareil pour le terme dont il est dérivé, houra (和了, húle en mandarin).

Personne ne dit "mahjong", jamais, pour gagner.

Lors de la session riichi avec Moriyama du 13 juin, quelques joueurs français ont évoqués leurs pratiques de "brouillage" des pistes consistant, par exemple, lorsqu'ils piochent une tuile qu'ils ont déjà et qu'ils n'ont pas besoin d'avoir en double, à mettre la tuile piochée dans la main et à défausser l'autre identique, ou alors, lors de la pioche d'une tuile inutile, à la mettre dans la main, à déplacer des tuiles, pour finir par défausser celle qu'ils viennent de piocher.
Il me semble avoir compris que Moriyama a courtoisement exprimé que ces pratiques lui paraissaient illégitimes car de l'ordre du bluff, et n'avaient pas leur place dans le riichi qu'il pratique. Si j'ai bien suivi son état d'esprit, le seul moyen "noble" de tromper l'adversaire consiste à l'induire en erreur par le biais des défausses, ouverture ou non de main, appel éventuel de riichi, etc... Peut-être est-on là proche de la notion de "shamisen": j'ai déjà entendu des joueurs français expliquer comment ils avaient "fait croire" à d'autres joueurs que leurs mains n'avançaient pas, en soupirant lors de la défausse de certaines tuiles, etc.... je pense qu'il s'agit là d'une manière de jouer tout à fait acceptée en Europe, et qui serait très mal perçue au Japon.

D'une manière générale, il y a peu de joueurs européens qui seraient bien vus dans un jansō... En dehors de ça il y a beaucoup d'autres pratiques mal vues au Japon qui sont abondemment pratiquées ici... De ce point de vue l'établissement de contacts avec le Japon est une très bonne chose !

Merci pour ces premières impressions de la session d'étude avec Moriyama-pro, même indirectes.

L'illégitimité du karagiri (écarter une copie de la tuile piochée) en jeu compétitif se comprend parce que cela revient à dire que sa technique de jeu est insuffisante pour gagner, il faut se résoudre à des manigances, jouer de façon malhonnête. Pour ce qui est des jeux d'argent, la théorie est tout autre à ce sujet, mais à ce que je sache, le C dans votre acronyme "RCR" réfère à compétition, pas "cash-game".

Pour ce qui est des autres comportments du genre "shamisen", apparamment, il faut filtrer un peu plus de mon côté de l'Atlantique aussi, donc j'ai encore du travail à faire aussi dans ma propre cour pour ce qui est de la pédagogie du jeu

Oui, ce que j'ai compris des dire de Moriyama revenait à "si tu joues bien, pas besoin d'embrouiller l'adversaire, c'est par ta technique que tu gagneras".
Je ne sais pas si l'approche japonaise doit être la seule à avoir droit de cité. Si des joueurs aiment à jouer le riichi version bluff, pourquoi pas ? Simplement, avant de commencer une partie, mieux vaut vérifier que tout le monde suit les mêmes règles.

lamule a écrit:

Je ne sais pas si l'approche japonaise doit être la seule à avoir droit de cité. Si des joueurs aiment à jouer le riichi version bluff, pourquoi pas ? Simplement, avant de commencer une partie, mieux vaut vérifier que tout le monde suit les mêmes règles.

Deux points :

1. Ce n'est pas une question d'orientalisme. L'EMA (je m'en sers comme exemple, le commentaire ne se limite pas à eux) elle-même préconise un jeu élevant la nature sportive du jeu. À moins que ton sport soit le foot méditerranéen / sud-américaine... Les petits joueurs, il y en a partout : ce n'est pas une excuse pour approuver les gestes en question.

2. C'est une belle théorie, mais il y en aura toujours qui blufferont en ce qui a trait de vouloir suivre les mêmes règles et bonnes manières de jeu, ramenant le problème à la case départ. Selon Osamu, il y avait un Français qui s'est fait reprocher par Moriyama d'avoir joué de manière mesquine lors d'un jeu à mains ouvertes : au lieu de bâtir un jeu pour le bénéfice de tous, quitte à terminer sur une conclusion inévitable, il a sabordé son jeu en ne se mettant pas tenpaï (je ne veux pas imputer d'intention [supplémentaire] sans y avoir été ni preuve audio/vidéo ou témoignage d'un francophone sur les excuses données) purement par orgueuil. La réponse de Moriyama était quelquechose comme "Il n'y a pas un pro qui aurait fait ce que tu fais là."


C'est vrai qu'il y a une certaine culture au Japon par rapport aux "professionnels", qui gagnent avec humilité, perdent avec grâce, et ne se serviront jamais de leurs "talents" pour ruiner leur adversaire indûment. Moi et Gnom, on s'en inspire. Je ne vois aucune raison pourquoi cette inspiration devrait se limiter à deux personnes.


AJOUT : Ceci tient pour tout jeu amical, compétitif, de démonstration et de performance. Ceci ne tient plus si de l'argent est en jeu : d'autres normes s'appliquent, mais même là, si le karagiri est permis, ça ne veut pas donner carte blanche au shamisen.

Ça n'est pas seulement une question de beau jeu ou de jeu sportif pour moi... Utiliser des "astuces" un peu sales c'est aussi choisir une voie facile, et ne pas de confronter à des problèmes. Autrement dit : "voir petit", à court terme. Ça peut marcher contre les joueurs d'aujourd'hui, mais quid d'une éventuelle rencontre contre des joueurs plus expérimentés ? Se mettre ce genre de barrière c'est aussi se forcer à apprendre des techniques plus profondes et donc plus efficaces à long terme... S'il est vrai que c'est largement accepté dans le jeu avec argent, ce n'est généralement pas ce qu'utilisent les piliers de jansōs, ceux qui se débrouillent pour ne perdre que peu d'argent comparativement au prix de la table...

Un des phrases un peu récurrente de Moriyama était "ce n'est pas la manière japonaise de jouer". Je trouvais très aimable de sa part de ne pas dire "ce n'est pas la bonne manière de jouer au riichi": c'était ça, le sens de mon message précédent. Il disait ça à propos de ces pratiques de petits bluff, au fait de faire des petites mains rapides avec tendance à ouvrir vite.
A la fois, il s'agit de viser gros, toujours, il donnait l'impression qu'en dessous de mangan, c'est comme s'il ne s'était rien passé, garder le plus longtemps possible toutes les tuiles à valeur potentielles (honneurs, dora) à la fois pour augmenter la valeur de sa propre main ET (il était très clair là-dessus) empêcher les autres joueurs d'avancer la leur, avancer caché et oser prendre des risques avec la notion de pari et de chance: être en attente unique sur une tuile sortie déjà 2 fois pour faire san shoku doju? Pas de problème. Jusque là, ça va. Là où c'est très impressionnant, c'est dans la lecture de défausse: il sait ce que font les autres joueurs (surtout quand ce sont des européens largués par ce qu'il explique  ).
En gros, pas de finasseries, plutôt du solide efficace : "If you don't want to play, but you want to fight, then, go ahead"